Crédit immobilier: à quoi faut-il s’attendre pour la rentrée?
L’été sera chaud du côté du crédit immobilier. Pas au niveau de l’activité, car, comme souvent, les ménages préféreront penser aux vacances plutôt qu’à aller frapper à la porte de leur banquier. En revanche, côté taux, la hausse va continuer sa progression. Plus lente car, depuis 4 mois, le taux d’usure (taux maximal au-delà duquel une banque ne peut pas prêter, NDLR) est mis à jour tous les mois. Conséquence: l’augmentation du taux de crédit est étalée dans le temps. «Nous nous attendons à ce que les taux de crédit moyens grimpent à 4% (hors assurance et frais) d’ici à la fin de l’été, sur 20 et 25 ans», affirme Olivier Lendrevie, président de Cafpi, courtier en crédit immobilier. Ce qui équivaut à une baisse de 62.000 euros de la capacité d’emprunt (sur 20 ans) pour un couple qui gagne 4000 euros nets par mois, par rapport à janvier 2022.
D’aucuns évoquent même des taux à 5% dès 2024. «Cette hausse, paradoxalement, est une bonne nouvelle car elle va élargir l’offre bancaire, ose Maël Bernier, de Meilleurtaux. À ces niveaux de taux, les banques auront reconstitué leurs marges». Dit autrement, elles gagneront à nouveau de l’argent en prêtant aux particuliers. Pour cette experte du crédit immobilier, certaines banques nationales, qui s’étaient retirées du marché, pourraient faire face leur retour en septembre, après avoir reconstitué leurs marges grâce à la hausse des taux de crédit. «Société générale a pris conscience du coût de sa politique ‘zéro crédit’ et va prêter à nouveau, confirme un expert immobilier. La situation va se détendre à mesure que les taux vont atteindre un niveau acceptable pour les banques.»
Vigilance sur l’endettement!
Mais il ne faut pas s’attendre à ce que le crédit coule à flot à la rentrée. D’autant que la demande ne risque pas de gonfler tout de suite. Un marché immobilier à deux vitesses se creuse. «Tout en bas de l’échelle des revenus, les ménages investissent peu dans l’immobilier. Le pouvoir d’achat des multipropriétaires peur retarder l’ajustement des prix et donc l’accession à la propriété des primo-accédants, même appartenant à la classe moyenne. En revanche, la hausse des taux ne touche pas les ménages qui sont déjà endettés à taux fixe», décrypte Agnès Benassy-Quéré, sous-gouverneur de la Banque de France. Pour elle, un choix s’impose aux ménages: «Soit ils acceptent d’acheter un logement plus petit que prévu et se restreignent sur d’autres dépenses notamment alimentaires, ce qui ferait baisser l’inflation, soit ils reportent leur projet immobilier», ajoute Agnès Benassy-Quéré.
L’institution bancaire, qui estime que la chute de la demande est plus liée à la hausse des taux de crédit qu’aux nouvelles contraintes imposées aux emprunteurs, garde un œil vigilant sur l’endettement des ménages. «Le poids du crédit immobilier dans le total des crédits bancaires a grimpé de 60% au début des années 90 à 83% aujourd’hui», affirme Agnès Benassy-Quéré. Par ailleurs, un tiers des ménages ont un crédit immobilier, selon l’Insee (chiffre de 2019), contre 27% pour un crédit consommation et 11% cumulent les deux.
Pour éviter une «surchauffe» du marché, les autorités financières ont plafonné, depuis plus de 2 ans, le taux d’endettement à 35% des revenus. Une règle qui continue de bloquer des milliers de dossiers portés par des emprunteurs pourtant solvables. Un couple de quadragénaires, habitant dans la Sarthe (72), malgré ses 6000 euros nets par mois, n’a pas pu obtenir de crédit pour s’offrir la maison qu’ils souhaitent acquérir. La faute à un taux d’endettement trop élevé. «Chaque mois, notre capacité d’emprunt et la surface que nous pouvons acheter diminuent, à mesure que les taux grimpent, témoignent-ils. Et nous devons faire à la concurrence d’acheteurs qui n’ont pas de condition suspensive d’obtention de crédit.» Reste à savoir si la prévision des courtiers se vérifiera: «L’année 2023 sera l’inverse de 2022». Un second semestre plus dynamique que le premier.